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Histoire de définitions : qu’est-ce qu’un Grand Compte

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À l’origine, le concept de Grand Compte est né de la volonté de certains fournisseurs de consacrer des ressources spécifiques pour des clients importants et complexes qui avaient des besoins spécifiques.

Le Grand Compte du point de vue du fournisseur

L’utilisation du mot « compte » reflète bien l’émergence du concept à partir du point de vue du fournisseur : le Grand Compte n’est pas un client comme un autre et de nombreux chercheurs ont essayé de définir comment se fait la sélection de ce type de clients .

L’adjectif « Grand » ou « clé » accolé à Compte laisse sous entendre qu’il s’agit d’un client avec un volume d’achat important », mais certains chercheurs trouvent cette approche trop simpliste :

« Si l’on considère la gestion des comptes clés dans sa perspective la plus élargie, l’approche par le volume des ventes est beaucoup trop réductrice » (Spencer, 1999) .

Pardo (2000) met particulièrement l’accent sur le rôle du fournisseur dans la définition du Grand Compte :

« Dans les portefeuilles de clients des entreprises, un noyau dur (de clients) peut être identifié. Le fournisseur estime que les échanges avec ces clients, s’ils sont gérés d’une façon spécifique, permettent d’accéder à une efficacité commerciale accrue. Ce sont ces clients que le fournisseur convient de nommer les comptes clés de son entreprise. Les gérer de façon spécifique signifie une gestion différente de la gestion habituellement accordée à l’ensemble des clients. En particulier, cela implique la création d’une nouvelle mission (donc l’apparition d’un nouveau titre, d’un nouveau parcours, de nouvelles pratiques, etc.) et de son intégration dans la structure préexistante. Cette mission consiste en une coordination de l’information et des actions du fournisseur, dans le temps et l’espace, vis-à-vis d’un client appréhendé dans sa totalité (géographique et historique). »

Cette notion de « nouvelle mission » est spécifiée par Walter et al. (2003) , qui y analyse une dimension stratégique pour le fournisseur :

« Les Grands Comptes ne sont pas nécessairement des clients de grande taille, mais des clients qui remplissent une fonction clé pour le fournisseur ».

Cette « fonction clé » peut se traduire en terme d’avance technologique, de présence internationale et de réputation (Walter et al., 2001) .
Par de là la notion de réputation, c’est la notion de « leader » sur son marché qui peut aujourd’hui expliquer le besoin d’une gestion particulière et personnalisée de ces clients, ainsi que leur aspect stratégique dans leurs rôle de « locomotive » sur leur secteur.

L’introduction de la notion de « présence internationale » au début des années 2000, marque aussi un élargissement de l’échelle d’analyse des Grands Comptes. Dans les années ’60 à ’80, les Etats Unis raisonnaient à l’échelle fédérale et le compte était appelé « National » (Stevenson, 1980) . Aujourd’hui, la gestion de Grand Compte se pratique au niveau national, d’une zone (un ensemble de pays) ou au niveau global, en fonction des caractéristiques organisationnelles et opérationnelles des Grands Comptes.
C’est pour cette raison que les américains ne parlent plus de « national » mais de « strategic accounts ».

La terminologie est relativement foisonnante : Grand Compte (Fiocca, 1982) , compte clé ou client clé (Campbell et Cunningham, 1983) , compte majeur (Turnbull et Valla, 1986) , compte stratégique, compte pan-européen, compte global, etc.
Nous ne rentrerons pas dans la nuance de ces différentes dénominations, qui, le plus souvent, sont liées à la couverture géographique du client, mais nous essaierons de nous intéresser plus particulièrement à la forme la plus émergente du Grand Compte : le Grand Compte global.
Wilson & Weilbaker (2000) en ont donné la définition suivante :

« un Compte Global est un client qui est d’une importance stratégique pour l’atteinte des objectifs au plus haut niveau de l’entreprise ainsi qu’un client qui poursuit des activités intégrées et coordonnées au niveau mondial et qui demande une offre de produits/ services également intégrée au niveau mondial de la part de ses fournisseurs. »

Cette définition peut être détaillée selon les trois étapes suivantes :

« Le client doit typiquement être d’une importance stratégique pour le fournisseur » (Millman, 1994)

« Pour être qualifié de global, le client doit avoir commencé à acheter de manière centralisée ou coordonnée, ou au minimum à sélectionner ses fournisseurs de manière centrale pour ses opérations internationales ». (Montgomery & Yip, 2000)

« Les grands Comptes globaux sont typiquement des clients multinationaux qui ont une attente grandissante d’être fournis et livrés dans le monde entier d’une manière consistante et coordonnée » (Yip et Madsen, 1996)

Ces définitions du Grand Compte se trouvent principalement dans la littérature Marketing dédiée à la gestion de ces Grands Comptes par les fournisseurs.
Si l’aspect stratégique du Grand Compte pour le fournisseur est au coeur de leur relation, il serait faux de croire que le Grand Compte est lui-même dans un rôle passif : il a une conscience de son rôle stratégique et est parfois celui qui « revendique » un statut de Grand Compte.

Le concept de « Grand Compte » du point de vue du client

Stevenson (1980) a essayé de définir la notion de grands comptes selon trois critères de classification, du point de vue du client :la centralisation des achats, alliée à la multiplicité des centres de production ou livraison et un volume d’achats important
Cette définition synthétique rétablit l’importance du volume d’achats représenté par le client.

Shapiro et Moriarty (1980) ont essayé d’aller plus loin dans l’analyse de ce qui est pour eux au cœur du Grand Compte : sa complexité.
Ils analysent 3 facteurs de complexité et introduisent un concept qui n’avait pas été mentionné par Stevenson : le centre d’achat.

Le premier facteur concerne la dispersion géographique du centre d’achats. Les membres du centre d’achats ne sont pas tous localisés au même endroit. Ceci est particulièrement vrai pour les Grands Comptes globaux, où l’acheteur central est au coeur d’un réseau d’acheteurs locaux ou produits et d’utilisateurs qui peuvent être basés dans leurs pays d’origine.

Le deuxième facteur concerne la représentation des différentes fonctions au sein du centre d’achat. 
Les différentes fonctions qui sont associées au centre d’achat ont été listées par Webster et Wind (1972) : les utilisateurs , les acheteurs, les « influenceurs », les décideurs et le gardien.
Un acteur peut jouer différentes fonctions, mais au sein d’un Grand Compte, l’ensemble de ces fonctions ne sera pas représenté par une seule personne, comme au sein d’une PME, il pourra y avoir plusieurs acheteurs (différents niveaux hiérarchiques ou matriciels), et plusieurs utilisateurs (ou différents niveaux hiérarchiques d’utilisation).

Le troisième facteur concerne l’organisation du client, car le client est organisé de manière divisionnelle ou matricielle, avec des unités relativement autonomes.
Il faut effectivement au sein d’un Grand Compte bien séparer la relative centralisation des achats avec des sites d’utilisation relativement éclatés et autonomes, en particulier une implantation géographique, qui s’élargit de plus en plus à l’échelle mondiale.

A cette complexité organisationnelle, s’ajoute une complexité relationnelle : en 1987, Colletti et Tubridy ajoutent deux critères extrêmement importants pour définir le Grand Compte global : d’une part, le souhait d’une relation de travail sur le long terme et coopérative avec les fournisseurs, comme moyen d’améliorer le niveau d’innovation et d’atteindre des objectifs financiers plus élevés ; d’autre part, la traduction d’une attention personnalisée par un certain niveau de service, ainsi que de l’échange d’information et du support logistique (gestion des stocks), enfin, des rabais intéressants.
Ainsi, le Grand Compte ne se décrit plus seulement en termes d’aspects organisationnels et de potentiel d’achats, mais d’une stratégie relationnelle vis-à-vis de ses fournisseurs.


Références

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COLLETTI, J.A. and G.S. TUBRIDY (1987), « Effective Major Account Sales Management, » Journal of Personal Selling and Sales Management, VII (August 1987), 1-10.

FIOCCA, Ronald (1982), « Account Portfolio Analysis for Strategy Development, » Industrial Marketing Management, 11, 53-62.

MILLMAN, Anthony F. (1994), « Relational Aspects of Key Account Management, » in Fourth Seminar of the European Network for Project Marketing and Systems Selling University of Pisa, Italy.

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PARDO Catherine (2000) « From Key account manager to key account team. The reconfiguration of interorganizational exchanges into intraorganizational exchanges » Doctorat en Sciences de Gestion, Université de Bourgogne.

SHAPIRO, Benson P. & MORIARTY R. Thomas (1980), « National Account Management, » MSI Report n° 80-104, Cambridge, Mass. : Marketing Science Institute.

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STEVENSON Thomas H. (1980) « Classifying a Customer as a National Account » Industrial Marketing Management Vol. 9 pp.133-136.

TURNBULL, P.-VALLA, J.P. eds. (1986) Strategies for international industrial marketing, London, Croom Helm.

WALTER Achim, RITTER Thomas, GEMÜNDEN Hans Georg (2001) « Value creation in buyer-seller relationships » Industrial Marketing Management Vol. 30 pp.365-377.

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